Avertissement: Cet article ne se veut nullement une incitation à l’alcoolisme. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
Maxime
Maxime est un spécialiste de l’organisation. C’est même un gourou dans son domaine, « l’efficacité professionnelle ». Ce soir il a décidé de s’arrêter de travailler plus tôt. Il a une bonne raison pour cela. Nous sommes réunis en cette soirée d’Octobre, pour un simple pot entre quelques amis. Nous célébrons la naissance de sa société matérialisée par la réception de son Kbis. Sa société c’est en même temps la concrétisation d’un rêve longtemps repoussé et copieusement réfléchi.
Il affiche le sourire gourmand de celui qui s’apprête à célébrer un moment exceptionnel. « C’est ma meilleure bouteille ! » nous dit-il en tendant, un peu ému, son trophée.
Certes, Maxime a conscience qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour faire de ce rêve une réalité probante. Il reste à trouver des clients, faire rentrer des ressources, déployer l’activité. Oui, c’est vrai…
La bonne occasion
Maxime fait partie des personnes qui ont tout au long de leurs vies professionnelles, ont été focalisées sur la performance et notamment sur ce qui « reste à faire ». Sans remettre en cause les mérites de la « TO DO LIST », Maxime est pourtant décidé à changer de perspective. Aujourd’hui, un nouveau pas a été accompli et une nouvelle étape atteinte sur son chemin de vie. Il prend délibérément le temps de s’arrêter pour célébrer cet instant précieux.
Ce qui m’a frappé c’est de mesurer que la générosité de son geste n’était pas liée à l’image qu’il voulait donner. Non, c’était authentiquement de la joie qui s’exprimait. Donner le meilleur de ce qui est disponible parce que le présent est là pour l’accueillir.
Je pensais en moi-même: « et moi, combien de fois ai-je repoussé l’occasion d’ouvrir ma meilleure bouteille ? » Sans s’en douter, Maxime m’a permis une prise de conscience qui sonnait comme une évidence. Pourquoi me suis-je retenu alors qu’une fois ouverte cette « meilleure bouteille », il resterait la meilleure dans celles qui restent disponibles.
N’est ce pas pareil pour notre temps?
Et si je suis avec des personnes avec lesquelles je n’aimerais pas partager ce que j’ai de meilleur, quel sens de les accueillir ? Le meilleur de nous n’est pas toujours dans la « meilleure bouteille » ou le plus joli cadeau.
Le meilleur de nous est souvent plus proche que nous n’imaginons. Dans la qualité de notre présence, la densité de notre écoute, l’ouverture disponible à l’autre.
C’est un présent précieux que celui de notre temps présent. J’y pense à chaque fois que je rencontre une nouvelle personne. Cela a changé ma gestion des priorités. J’ai ajouté à ma gestion du temps, du temps « dense ».
Il me sert à accueillir les moments de célébration que je sacrifiais pour d’autres choses à faire. « Pas le temps de s’arrêter là ! » me disait ma petite voix intérieure pour la part de moi empressée d’accomplir et de réaliser mille choses. Je note ces « kifs » de la journée sur un petit carnet et me relie aux moments qui ont nourri cette nouvelle journée, à la manière de Florence Servan-Schreiber.
Je me suis rendu compte que prendre ce moment d’attention pour moi, me rendait infiniment plus disponible dans ma relation à l’autre.
A l’inverse, dès que je négligeais cette « routine », alors venait s’exprimer la part de moi qui « veut être efficace coûte que coûte » avec force.
Je perdais de l’énergie et de la qualité d’accueil pour écouter et être présent à l’autre.
Et si prendre soin de soi, constituait une bonne façon de faire du bien autour de soi ?
Stéphane Loiret – Déc 2013