La vie est une urgence
Tom(*) travaille depuis 6 ans aux urgences de l’hôpital Necker à Paris. Je lui ai demandé comment il parvenait à garder son sang-froid alors que ce matin-là le ballet des ambulances amenait urgence sur urgence dans son service. Comment avec un effectif limité répartir efficacement les actions à faire pour traiter toutes ces souffrances ?
« Malgré les apparences, il n’y a eu qu’une seule « vraie » urgence ce matin Stéphane. Un seul cas vital. Et nous avons sauvé cette vie ! Aucun des autres cas, aussi difficile que peut être la souffrance à supporter, ne constituait une urgence au sens vital. On évalue les patients selon un degré plus ou moins important de « priorité » sur lequel nous nous accordons en fonction de plusieurs critères d’évaluation: évolution probable de la situation, ressources disponibles du patient pour y faire face, complications à craindre. Cela nous permet bien de traiter tout le monde, avec un degré d’attente qui dépend du diagnostic vital plus que de l’ordre d’arrivée. Nous gardons le maximum de flexibilité pour intervenir sur le vital en premier lieu. »
La dictature de l’urgence
Ces paroles pleines de bon sens m’ont ramené brutalement à la réalité.
Pourquoi ne pas appliquer ce principe dans la gestion de notre agenda de vie ? Dans la vie professionnelle, que nous soyons dirigeant ou employé, il est fréquent d’entendre des instructions frappées du sceau de l’urgence. Et parfois, plusieurs fois par jour ! Se rappeler que rien d’autre que la vie n’est urgent, peut permettre de faire le tri des différentes injonctions. N’y a-t-il pas parmi toutes les taches de notre « To Do List », des cas ou nous nous enfermons un peu vite dans des dates non « vitales » ? Sans consulter notre disponibilité intérieure. Nous accumulons ainsi du stress inutile et baignons dans l’inconfort et la culpabilité de ne pas nourrir d’autres aspirations de vie.
Parce que nous n’osons pas dire non. De peur du conflit, d’être mal jugés, de gêner, nous nous racontons que c’est mieux ainsi. Nous nous épuisons ainsi sur des fausses urgences en limant progressivement notre axe de vie. Nous consacrons moins de temps à nos proches, nos passions, nos autres engagements. En agissant ainsi dans l’urgence nous nous privons de deux choses essentielles pour une performance durable :
L’attention à l’autre
Cela commence par dire que nous comprenons ce qui est important pour l’autre et en même temps partager ce qui est important pour nous. Le « non » peut ainsi être une invitation au dialogue. La solution imaginée ne nous convient pas en l’état ? Réarrangeons les priorités ensemble. Il y a de fortes chances que la qualité du lien en ressorte renforcée. Un tel échange nourrit l’authenticité et la confiance mutuelle.
L’attention à soi
Ensuite parce que nous nous respectons en agissant ainsi. Nous préservons l’espace nécessaire à notre équilibre. Nous gardons cette balance naturelle qui fait de nous des êtres heureux tant au travail qu’en dehors du travail. Cet équilibre, parce qu’il est vital, ne devrait-il pas être notre urgence… si nous ne lui avons pas accordé la juste priorité auparavant ?
(*) Le nom a été changé.
Stéphane Loiret – Novembre 2012
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